moreau de tours y el hachis. 

 Albert Hofman, Aldous Huxley, Humphry Osmon, Stanislav Grof y Timothy Leary.-LSD y psicosis. 

Jacques-Joseph Moreau (de Tours)

"Du hachisch et de l'aliénation mentale". 

"Del hachís y de la alienación mental". 

 página principal de psicopatología y fenomenología.  

Docencia residentes mir y pir psiquiatría y psicología de Aragón 

Utilización terapéutica del THC _ SATIVEX_ en pacientes con Enf. Guilles de la Tourette. J.L. Día 



 Jacques-Joseph Moreau de Tours (1804-1884). 

Hijo de un soldado de Napoleón I, alumno de J.E. Esquirol en Charenton, Moreau de Tours recibió de su maestro el encargo de acompañar en un "viaje terapéutico" a uno de sus pacientes (¡felices épocas aquellas!)—. De esa manera, Moreau viajó durante tres años a través de Egipto, Nubia, Palestina, Siria y Asia Menor, en donde entró en contacto con el uso endémico y variado del cannabis. A su regreso a Francia publicó interesantes trabajos sobre el trato que recibían los alienados en Oriente.

« Recherches sur les aliénés en Orient » (Annales médico-psychologiques de 1843)

Moreau, Jacques-Joseph (1804-1884)

Recherches sur les aliénés, en Orient, notes sur les établissements qui leur sont consacrés à Malte (île de), au Caire (Égypte), à Smyrne (Asie-Mineure), à Constantinople (Turquie), par le docteur J. Moreau (de Tours),... impr. de Bourgogne et Martinet (Paris) 1843


Phantastica: A Classic Survey on the Use and Abuse of Mind-Altering Plants (Paperback). Louis Lewin M.D. (en google books) 

 Ver edición española : http://cannabisymas.com/

En 1845, su obra Princeps, “Du hachisch et de l'aliénation mentale” (Del hachís y de la alienación mental) en la que consideraba que los efectos de esa planta constituían "un medio poderoso y único de exploración en materia de patogenia mental". Estas observaciones del "sentido íntimo de la psicosis" —consideraba Moreau— podían conducir hasta la fuente primitiva de todo fenómeno fundamental del delirio: el "hecho primordial" del cual se derivaban los otros síntomas. Consideró que el delirio era de una naturaleza idéntica al estado onírico.


El Club des Hachischins tenía sus sesiones en el Hôtel de Lauzun (palacio parisino construido en 1656, en la isla de San Luis, Sena, adquirido por el duque de Lauzun en 1682 y que, a partir de 1928, pasó a ser propiedad de la ciudad de París), bajo la dirección estricta de Moreau de Tours y del pintor Boissard.   

Por ahí desfilaron Théophile Gautier, Gérard de Nerval, Eugène Delacroix, Alexandre Dumas y Charles Baudelaire, V. Hugo, entre otros muchos artistas y médicos de la época. 

El joven Charcot aceptó ingerir la pasta verde del dawamesc (preparación de hachís), que era la cannabis perfumada con clavo y canela, a veces mezclada con polvos de cantárida. Bajo su influencia, Gautier alcanzó a escuchar "el ruido de los colores" (sinestesia); Baudelaire logró penetrar en otro "paraíso artificial" en un espacio "en el que ha desaparecido todo dolor, donde ya no hay ecuación entre los órganos y el placer..."; Charcot elaboró febrilmente un dibujo extremadamente complicado lleno de figuras fantásticas, chinescas unas, desnudas otras, en medio de líneas ya góticas, ya rococó, ya fálicas, ya arabescas. Intentó describir su auto experiencia: "¡Qué desorden de ideas!, y sin embargo qué agradable festoneado... todo lo que toco está rodeado de una atmósfera eléctrica... y sin embargo...". Dentro de todo el garabateo se lee una confesión en inglés que sólo fue posible gracias a la cannabis: "I love you my Jenny Road."


Ver: Monografía cannabis

Ver: Sesión clínica del H.Miguel Servet de Zaragoza sobre Moreau Tours y el hachís

Biografía de Moreau de Tours. 

Moreau de Tours es considerado el padre de la psiquiatría experimental y el iniciador de los estudios sobre las fármaco-psicosis, un gran clínico, trabajó en los principales asilos y clínicas de París. 

Entendió la locura como “afección nerviosa pura y simple”, y no admitía el “tratamiento moral”.  Conflicto con Leuret (colega de la Bicêtre y profeta de la “Psychiatrie morale” 

(F. Leuret (1797-1851): Du traitement moral de la folie. 1840. http://fr.wikipedia.org/wiki/François_Leuret).

Moreau de Tours también rechazó los beneficios del trabajo como terapia y los propios de la arquitectura del manicomio, “asilo”, propuestos por el psiquiatra Parchappe. Esa “gran camisa de fuerza de piedra”, diría J.J. Moreau.

J.B.Parchappe du vinay (1800-1866). « Principes à suivre dans la fondation et construction des asiles d´aliénés »

-Se inició, como alumno interno, en el asilo de Charenton, (Con Esquirol) donde llegó doce años después de la muerte del marqués de Sade. 

(Encerrado en el manicomio de Charenton por su obra Justine o los infortunios de la virtud.

Charenton ou la chronique de la vie d'un asile de la naissance de la psychiatrie à la sectorisation


-En 1840 aprobó las oposiciones para adjunto de alienados de los hospicios, y se le envió a Bicêtrey, y por fin en 1861 a la Salpêtrière, hasta su muerte.

( ver Philippe Pinel y la “liberación de las cadenas” de los alienados).

-Otras obras del autor: En 1855 : « Identité du rêve et de la folie », y en 1888 : «Traité de Psychiatrie de l'enfant ».

 -Hasta su muerte, a los ochenta años, pasaba regularmente visita a los pacientes de la Salpêtrière, "todavía válido", según dicen sus biógrafos. Debe haber sido así, pues a los setenta y ocho se casó con su secretaria que tenía diecinueve...


"Il meurt le 26 juin 1884. Il repose dans la 3eme division du Père Lachaise". 

Association des Amis et Passionnés du Père-Lachaise

El Hachís y la enfermedad mental. 

Du hachisch et de l'aliénation mentale”.

Por el psiquiatra F. Javier Álvarez Rodríguez.


                   Recuerdo de la vida y obra de Jacques-Joseph Moreau (de Tours), según Henri Ey.

Henri Ey, « Jacques-Joseph Moreau (de Tours) », Préface à l’ouvrage de J. Moreau de Tours, Du Hachisch et de l’aliénation mentale, Éd. Fortin, Masson et Cie, Paris, 1845.

Jacques-Joseph MOREAU est né à MONTRESOR (Indre & Loire), et à son origine tourangelle il dut de s’appeler MOREAU (de Tours), nom sous lequel il s’est illustré. Il fit ses études secondaires à Tours et ses études de médecine à l’École de Médecine de Tours où il fut l’élève de BRETONNEAU. Nommé interne à Charenton (1826) il y travailla auprès de ROYER-COLLARD, puis d’ESQUIROL qui « frappé de la vivacité de son intelligence et de sa curiosité d’apprendre le prit en affection [1] ». Après avoir présenté sa Thèse (le 6 juillet 1826) sur les Monomanies, concept qu’il devait toujours et sans cesse combattre, il devint, en 1840, médecin de Bicêtre. Là il trouva, nous dis SEMELAIGNE, un terrain de discordes « bien propre à exciter son ardeur » en y rencontrant LEURET. Contre cet apôtre de la « Psychiatrie morale » de ce temps il ne cessa de rompre des lances. C’est entre 1836 et 1840 qu’il accompagna un malade d’ESQUIROL en Orient pendant trois ans. Il parcourut ainsi l’Égypte, la Nubie, la Palestine, la Syrie, ces terres d’Asie Mineure qui sont les pays des « Haschichins ». Depuis lors, écrit-il lui-même dans les premières pages du fameux ouvrage « Du Haschich et de l’aliénation mentale » [2], « les effets du Haschich ont été pour moi l’objet d’une élude sérieuse, persévérante. Autant que j’ai pu et de toutes manières (un grand nombre de confrères que je pourrais nommer ici me rendent ce témoignage), je me suis efforcé d’en répandre la connaissance dans le public médical... » Les effets du chanvre indien devaient, en effet, lui fournir la méthode et la vérification de sa conception de la folie, du délire identique au rêve. C’est sur ce thème, qui renvoie naturellement au problème de l’organisation des rapports du cerveau et de la pensée, que J. MOREAU (de Tours) devait développer sa psychopathologie dans de multiples mémoires et discussions [3]. Il mourut en 1884, continuant jusqu’au bout de fréquenter régulièrement la Salpêtrière tandis que « courbé par l’âge il avait conservé, nous dit SEMELAIGNE, la vivacité de l’intelligence, et l’ardeur de la jeunesse ». Contemporain de BAILLARGER qu’il rencontrait souvent et de Hughlings JACKSON qu’il ne connut jamais, il est le pionnier de cette conception organo-dynamique de la Psychiatrie qui, précisément, devait trouver dans les travaux du XXe siècle sur la Psychopharmacologie et sur la Neurophysiologie du rêve et du sommeil l’éclatant écho de ses géniales intuitions.

MOREAU de Tours est le Psychiatre qui a porté, jusqu’à ses plus extrêmes limites, la thèse de l’identité du rêve et de la folie, idée qui n’a jamais cessé de flotter au travers de la diversité des pensées, des cultures et des religions des hommes. Il est bien vrai, en effet, que si l’homme ne portait pas en lui la possibilité de rêver, comme la béance de son désir de fantastique et les moyens de se fabriquer un envers irrationnel du monde, il est bien vrai que s’il ne portait pas en lui ce rêve ii ne deviendrait jamais fou. Pour MOREAU de Tours, le délire en tant que modèle de la maladie mentale est identique au rêve, car il est comme celui-ci secondaire à une désorganisation de l’être psychique qu’il appelait l’état primordial du délire [4]. C’est pourquoi la plus importante de nos premières éludes (Études n° 8, « Le rêve fait primordial de la psychopathologie ») [5], nous l’avons dédiée à ce Maître incontesté et incontestable de la Psychiatrie moderne.

C’est sur l’expérience sur le Haschich, cette première forme des « Model Psychoses », des « Psychoses expérimentales », que tant d’auteurs de nos jours tentent de provoquer par les substances hallucinogènes ou psychosomimétiques (Mescaline, L.S.D.), c’est sur cette première et décisive expérimentation sur l’état primordial du délire engendré par cette drogue, que MOREAU de Tours a fondé et vérifié son hypothèse pathogénique. Tout ce que l’on a observé, décrit, expérimenté ou commenté depuis, est largement dépassé par ses profondes et géniales réflexions. Car ce n’est pas seulement en tant que précurseur des manipulations expérimentales des « expériences psychédéliques » qu’il doit être connu, mais surtout pour l’énorme travail de son esprit sur ces petites morts de l’esprit que sont les ivresses délirantes provoquées par les « phantastica ». Le lecteur qui pourra prendre connaissance des textes où sont richement décrites ces expériences ne devra pas manquer à ce sujet d’en compléter la merveilleuse poésie par la somptuosité des descriptions de G. de CLÉRAMBAULT [6]. Il se convaincra que, depuis lors, ni cliniciens, ni poètes ne sont pas descendus plus loin dans « ses gouffres », ne sont pas montés plus haut dans la contemplation des « images ».

L’assimilation pure et impie de la folie et du rêve n’est cependant possible en thèse psychopathologique générale que si, après FREUD, le rêve est considéré comme une manifestation de l’inconscient dépendant d’un certain état d’inconscience (celle du sommeil ou des états crépusculaires de la conscience des psychoses aiguës) qui n’est lui-même qu’un cas particulier de la désorganisation de l’être conscient [7]. Si celui-ci, en effet, se décompose pour tomber dans l’imaginaire onirique sous l’influence du haschich ou du sommeil et constitue un état primordial de délire, une expérience délirante et hallucinatoire identique ou analogue à celle du rêveur, il peut aussi se désorganiser selon une autre modalité. C’est précisément cette nouvelle dimension que j’ai tenté d’introduire en Psychiatrie en me référant, bien sur, à tous nos grands classiques, aux profondes et si mal connues études de Karl JASPERS sur la notion de « processus ». L’état d’inconscience du Délire chronique n’est pas, en effet, purement et simplement analogue ou identique au rêve ; il représente un bouleversement des rapports Inconscient-Être conscient qui sans être radicalement différent de l’état d’inconscience des Psychoses aiguës - et parfois en l’impliquant même - représente essentiellement, non pas une déstructuration du champ de la conscience, mais une désorganisation de la personnalité. J’ai eu l’occasion en 1966 au Congrès Mondial de Psychiatrie à Madrid de développer longuement ce point de vue, comme pour rendre un hommage plus profond encore aux géniales intuitions de MOREAU de Tours, à l’auteur du « Haschich », mais aussi à l’auteur des Mémoires moins connus de 1855, véritable charte de la Psychiatrie scientifique.

Henri EY

Notes

[1] Éloge de J. MOREAU (de Tours) par A. RITTI le 25 Avril 1887. On consultera sur sa vie, SEMELAIGNE, « Les pionniers de la Psychiatrie française », tome I, pp. 294-301.

[2] 1 volume de 431 pages, édité â Paris à la librairie de Fortin, Masson & Cie, 1845.

[3] « De l’identité de l’état de rêve et de la folie », Annales Médico-pyschologiques, 1865, I, 365-4O8 - et « Du délire au point de vue pathologique et anatomopathologique », Académie impériale de Médecine, 8 mai 1855.

[4] Cf. à ce sujet l’étude que nous avons publiée en 1947 (Annales Médico-psychologiques, II, p. 225), sur l’importance capitale de la théorie « organico-dynamique » de MOREAU de Tours. Car, bien entendu, nous n’avons pas attendu le développement de la psychopharmacologie pour en prévoir l’importance et l’urgence dans la théorie et la pratique psychiatriques.

[5] Études psychiatriques, tome I, Éd. Desclée de Brouwer.

[6] Le Délire chloralique. Ann. Méd. Psychol., 1909, in Œuvre, tome I.

[7] Cf. mon livre « La Conscience », 2e édition, P.U.F., 1968.

H. Ey.


textos de Jacques-Joseph MOREAU (de Tours). 

http://www.psychanalyse-paris.com/

Modifications physiques et sentiment de bonheur Du Hachisch et de l’aliénation mentale (Chapitre I - § I et II) 

CHAPITRE PREMIER.

Phénomène psychologiques

§ I. - Modifications physiques.

Je dois, d’abord, appeler l’attention sur les modifications purement physiques qui, d’ordinaire, précèdent ou accompagnent les troubles intellectuels causés par le hachisch.

1° - À une dose encore faible, mais cependant capable de modifier profondément le moral, les effets physiques sont nuls, ou du moins si peu sensibles que, certainement, ils passeraient inaperçus si celui qui doit les éprouver n’était pas sur ses gardes et n’épiait en quelque sorte leur arrivée. On pourra, peut-être, s’en faire une idée, en se rappelant le sentiment de bien-être, de douce expansion que procure une tasse de café ou de thé prise à jeun.

2° - Par l’élévation de la dose, ce sentiment devient de plus en plus vif, vous pénètre et vous émeut (emoción) davantage, comme s’il devenait surabondant et allait déborder. Une légère compression se fait sentir aux tempes et à la partie supérieure du crâne. La respiration se ralentit, le pouls s’accélère, mais faiblement. Une douce et tiède chaleur comparable à celle qu’on éprouve en se mettant au bain, pendant l’hiver, se répand par tout le corps, à l’exception des pieds, qui d’ordinaire se refroidissent. Les poignets et les avant-bras semblent s’engourdir (entumecen) et devenir plus pesants ; il arrive même qu’on les secoue machinalement, comme pour les débarrasser du poids qui les presse. Alors aussi naissent, dans les extrémités inférieures principalement, ces sensations vagues et indéfinies que caractérise si bien le nom qu’on leur a donné, des inquiétudes. C’est une sorte de frémissement (estremecimiento) musculaire sur lequel la volonté n’a aucun pouvoir.

3° - Enfin, si la dose a été considérable, il n’est pas rare de voir survenir des phénomènes nerveux qui, sous beaucoup de rapports, ressemblent assez à des accidents choréiques. Des bouffées de chaleur vous montent à la tète, brusquement, par jets rapides, comme ceux de la vapeur qui s’échappe du tuyau d’une locomotive. Ainsi que je l’ai entendu dire plusieurs fois, le cerveau bouillonne et semble soulever la calotte du crâne pour s’échapper. Cette sensation, qui cause toujours un peu de frayeur, quelque aguerri que l’on soit, a son analogue dans le bruit que l’on entend quand on a la tête plongée dans l’eau. Les éblouissements (mareos) sont rares ; je n’en ai jamais éprouvé. Les tintements d’oreilles, au contraire, sont fréquents. - On éprouve parfois de l’anxiété, une sorte d’angoisse, un sentiment de constriction à l’épigastre. Après le cerveau, c’est vers cette région que les effets du hachisch paraissent avoir le plus de retentissement. Un jeune médecin disait qu’il croyait voir circuler le fluide nerveux dans les rameaux du plexus solaire. Les battements du cœur paraissent avoir une ampleur et une sonorité inaccoutumée. Mais si on porte la main dans la région précordiale, on s’assure facilement que le cœur ne bat ni plus vite ni plus fort qu’à l’ordinaire. - Les spasmes des membres acquièrent parfois une grande énergie sans devenir jamais de véritables convulsions. L’action des muscles fléchisseurs prédomine. Si l’on se couche, ainsi qu’on en éprouve presque toujours le besoin, involontairement les jambes se fléchissent sur les cuisses, les avant-bras sur les bras ; ceux-ci se rapprochent des parties latérales de la poitrine ; la tête, en s’inclinant, s’enfonce entre les épaules ; l’énergique contraction des pectoraux s’oppose à la dilatation du thorax et arrête la respiration... Ces symptômes n’ont qu’une durée passagère. Ils cessent brusquement pour reparaître tout à coup, après des intervalles d’un calme parfait de quelques secondes d’abord, puis de quelques minutes, d’une demi-heure, d’une heure..., suivant qu’on s’éloigne davantage du moment de leur apparition. Les muscles de la face, ceux de la mâchoire surtout, peuvent être pris également de mouvements spasmodiques ; j’ai éprouvé, une fois, un véritable trismus, ou au moins quelque chose d’analogue ; - les mains semblent, se contracter d’elles-mêmes pour saisir et serrer fortement les objets.

Tels sont, ou à peu près, les désordres physiques causés par le hachisch, depuis les plus faibles jusqu’aux plus intenses. On voit qu’ils se rapportent tous au système nerveux. Nous l’avons déjà dit, ils se développent beaucoup plus tardivement que les troubles intellectuels [1] ; et ces facultés peuvent être profondément modifiées sans que l’éveil (despertar, vilo) ait encore été, pour ainsi dire, donné à la sensibilité organique. On dirait que l’agent modificateur, à la manière des affections morales, s’adresse directement, et sans l’intermédiaire des organes, aux facultés de l’âme.

N’est-ce pas ainsi que, le plus souvent, la folie éclate, sans que ceux qui en sont atteints aient été avertis par aucun dérangement appréciable de l’organisme ; sans que le médecin puisse la rattacher à aucun trouble matériel ? C’est là un premier point de similitude des effets du hachisch avec l’aliénation mentale. La cause est évidente, mais l’origine demeure inconnue. N’est-ce pas, d’ailleurs , ce qui arrive le plus souvent, lorsque cette cause, quelle qu’elle soit, agit directement, immédiatement, sur l’organe intellectuel ? Nous verrons encore, par la suite, que lorsque l’action du hachisch se révèle par des troubles organiques comme ceux que nous signalions tout-à-l’heure, se matérialise pour ainsi dire, nous verrons, dis-je, que ses effets ont la plus complète analogie avec ceux dont rendent compte les aliénés qui ont pu étudier et suivre, dès l’origine, le développement de leur maladie. Aliénés et mangeurs de hachisch s’expriment de même quand ils veulent faire comprendre ce qu’ils ont éprouvé ; on dirait que les uns et les autres ont été sous l’influence de la même cause morbide.

§ II. - Premier phénomène : Sentiment de bonheur.

Je disais dans le mémoire que j’ai déjà cité : « À une certaine période de l’intoxication, alors qu’une effervescence incroyable s’empare de toutes les facultés morales, un phénomène psychique se manifeste, le plus curieux de tous, peut-être, et que je désespère de pouvoir caractériser convenablement : c’est un sentiment de bien-être physique et moral, de contentement intérieur, de joie intime, bien-être, contentement, joie indéfinissable que vous cherchez vainement à comprendre, à analyser, dont vous ne pouvez saisir la cause. Vous vous sentez heureux, vous le dites, vous le proclamez avec exaltation, vous cherchez à l’exprimer par tous les moyens qui sont en votre pouvoir, vous le répétez à satiété ; mais pour dire comment, en quoi vous êtes heureux, les mots vous manquent pour l’exprimer, pour vous en rendre compte à vous-même. Me trouvant un jour dans cette situation, et désespérant de pouvoir me faire comprendre par des mots, je poussais des cris, ou plutôt de véritables hurlements. Insensiblement, à ce bonheur si agité, nerveux, qui ébranle convulsivement toute votre sensibilité, succède un doux sentiment de lassitude physique et morale, une sorte d’apathie, d’insouciance, un calme complet, absolu, auquel votre esprit se laisse aller avec délices. Il semble que rien ne saurait porter atteinte à cette tranquillité d’âme, que vous étés inaccessible à toute affection triste. Je doute que la nouvelle la plus fâcheuse puisse vous tirer de cet état de béatitude imaginaire, dont il est vraiment impossible de se faire une idée si on ne l’a pas éprouvé. »

Je viens d’essayer de donner une idée des jouissances que procure le hachisch. Je me hâte de faire remarquer que je ne les ai présentées ici qu’à l’état brut, pour ainsi dire, et dans leur plus simple expression. II dépendra des circonstances extérieures, en les dirigeant vers un but déterminé, et en les concentrant en un foyer unique, de leur donner encore plus d’intensité. On conçoit tout ce que la réalité peut y ajouter, et quel puissant aliment elles trouveront dans les impressions venues du dehors, dans l’excitation directe des sens, ou l’exaltation des passions par des causes naturelles. C’est alors que, prenant un corps, une forme, elles arriveront jusqu’au délire. Cette disposition d’esprit, jointe à une autre dont nous parlerons tout-à-l’heure, telle était, selon nous, la source féconde où les fanatiques habitants du Liban puisaient ce bonheur, ces ineffables délices, en échange desquels ils donnaient si facilement leur vie.

Une remarque ici est nécessaire pour faire bien comprendre ce que nous venons de dire. C’est réellement du bonheur que donne le hachisch, et par là j’entends des jouissances toutes morales et nullement sensuelles, comme on serait peut-être tenté de le croire. Cela est fort curieux, assurément ! et l’on pourrait en tirer de bien singulières conséquences ; celle-ci, entre autres : Que toute joie, tout contentement, alors même que la cause en est exclusivement morale, que nos jouissances les plus dégagées de la matière, les plus spiritualisées, les plus idéales, pourraient bien n’être en réalité que des sensations purement physiques, développées au sein des organes, exactement comme celles que procure le hachisch. Au moins, si l’on s’en rapporte à ce que l’on sent intérieurement il n’y a aucune distinction à faire entre ces doux ordres de sensations, malgré la diversité des causes auxquelles elles se rattachent ; car le mangeur de hachisch est heureux, non pas à la manière du gourmand, de l’homme affamé qui satisfait son appétit, ou bien du voluptueux qui contente ses désirs, mais de celui qui apprend une nouvelle qui le comble de joie, de l’avare comptant ses trésors, du joueur que le sort favorise, de l’ambitieux que le succès enivre, etc.

Au reste, si nous avons fait les remarques qui précèdent, ce n’est pas dans le but de soulever une question psychologique. Nous racontons, tout simplement, et nous n’avons d’autre prétention que celle d’être l’historien fidèle et exact de nos sensations. En second lieu, c’est que nous avons vu dans les phénomènes que nous décrivions tout-à-l’heure, un tableau frappant de ce qui se passe si fréquemment au début de la folie : nous voulons parler de ces impressions de bonheur, de joie intime (je ne saurais employer d’expressions plus convenables que celles dont je me suis servi pour caractériser les effets du hachisch), dans lesquelles les malades puisent tant d’espoir, tant de confiance dans l’avenir, et qui ne sont, hélas ! que les symptômes précurseurs du plus violent délire. - La perte d’une brillante fortune, des chagrins sans nombre, jettent madame de... dans un état d’hypochondrie profond. Cet état durait depuis plusieurs années, lorsque la malade a été placée dans notre établissement. Sauf quelques amendements passagers, il était resté toujours le même, lorsque, il y a quelques jours, madame vient à ressentir dans tout son être moral une modification profonde qui lui inspire un vif contentement et lui fait voir l’avenir désormais sous les plus riantes couleurs. Ses espérances égalent l’abattement dont elle sort à peine et où elle était plongée depuis des années. Son visage est rayonnant, une légère teinte rosée a remplacé sa pâleur habituelle, la joie de son âme semble s’échapper par éclairs, de ses yeux vifs et animés : « Je ne sais ce qui se passe en moi, me disait cette dame, mais je dois rendre grâces à Dieu et à vous, mon cher docteur, car je sens intimement que je suis arrivée au terme de ma maladie et de tous mes maux. Me voilà enfin délivrée de ces souffrances atroces, incroyables dont je vous ai si souvent entretenu. Plus de craintes, plus de terreurs, plus de damnations, plus d’enfer ; je me trouve enfin ce que j’étais autrefois, je puis encore être heureuse, je saurai me faire à ma situation ; vous voyez que je suis devenue raisonnable. et que j’ai su profiter de vos bons conseils... » Quelques jours sont à peine écoulés, et cette intéressante malade était en proie à un délire maniaque extrêmement intense.

Voici encore ce que me disait, tout récemment, une autre jeune femme d’un esprit fin et observateur, convalescente d’une manie, suite de couches :

« Dix-sept jours après mon accouchement, qui, du reste, fut on ne peut plus heureux, j’éprouvai quelque chose de fort extraordinaire : il me semblait que ma tête était agitée d’un mouvement de rotation sur elle-même, et, en même temps, que mon cerveau se dilatait. Je savais parfaitement que c’était une illusion ; cependant je ne pouvais m’empêcher de regarder dans une glace pour bien m’assurer si mon visage n’était pas comme sens devant derrière. J’éprouvais aussi, et cela était bien réel, de légères secousses dans la tête, et dans le cou, quelque chose de semblable au torticolis. Dans la nuit, je m’éveillai avec un sentiment de bien-être indicible. Je me sentais heureuse comme jamais je ne l’avais été. Mon bonheur, ma joie, me débordaient, pour ainsi dire, et j’avais besoin d’en déverser une partie sur tout ce qui m’entourait. J’attendis le jour avec impatience pour annoncer cette bonne nouvelle. J’étais d’une gaieté folle ; je voulais embrasser tout le monde, jusqu’à mes domestiques, etc., etc. » J’aurai occasion de revenir sur l’état de cette malade, dont je possède un curieux manuscrit où sont détaillées toutes les sensations qu’elle éprouva dans le cours de sa maladie.

« Un négociant, dit Esquirol, âgé de quarante cinq ans, éprouve une banqueroute qui le gêne momentanément, sans altérer sa fortune ; le même jour son caractère change ; ii est plus gai qu’à l’ordinaire, se rit de ce contretemps, se félicitant d’avoir appris à mieux connaître les hommes ; il forme des projets incompatibles avec sa fortune et ses affaires. Huit jours se passent dans un état de joie, de satisfaction, d’activité qui fait craindre une maladie grave, dont M... lui-même a le pressentiment. Après cette époque, des événements politiques, qui sont parfaitement étrangers à ses intérêts, mais qui blessent les opinions de M..., le plongent dans un délire mélancolique dont rien n’a pu le tirer. »

Le phénomène dont il est question se fait principalement remarquer au début de la folie qui se complique d’une lésion générale des mouvements. Cherchant à nous rendre compte des idées de grandeur, de richesse, qui caractérisent, comme on sait, ce genre de maladie, nous nous exprimions ainsi qu’il suit, dans un autre travail publié en 1840, dans le journal l’Esculape (De la folie raisonnante) : « En même temps que le jeu des facultés semble devenir plus facile, la sensibilité plus excitable, le jugement plus hardi et plus prompt, que les idées, plus abondantes et plus neuves, semblent couler de source, il est manifeste que l’individu éprouve un bien-être intérieur qui fait son âme s’épanouir et la dispose éminemment à recevoir, à embrasser avec ardeur les idées propres à caresser ses passions vaniteuses, à agacer ses désirs déjà rendus plus irritables par le fait seul de l’excitation. »

Les faits que nous venons de citer suffiront, je pense, pour en rappeler une foule d’autres semblables à ceux de nos lecteurs qui ont vu des aliénés, et nous dispensent d’en rapporter un plus grand nombre. Cependant nous jugeons utile de faire encore une réflexion.

Ces faits, d’une très haute importance à notre point de vue, ont à peine fixé, ou plutôt n’ont jamais fixé l’attention des observateurs. Ils n’ont de valeur que par leur fréquence, j’ai presque dit leur généralité, et c’est à peine s’ils ont été notés dans quelques cas de délire maniaque. Cependant nous avons la conviction (et cette conviction s’appuie sur l’aveu précis d’un grand nombre de malades interrogés par nous) que le phénomène en question marque presque toujours l’invasion du délire, général ou partiel, gai ou triste ; nous n’en exceptons que les cas où cette invasion est tellement brusque qu’elle échappe à toute conscience. Il s’en faut, assurément, qu’il soit toujours facile de le découvrir. Si peu de malades sont en état de bien rendre compte de ce qu’ils éprouvent, de remonter par le souvenir aux premiers symptômes insidieux, plus faits d’ailleurs pour endormir que pour éveiller leur attention, il s’en rencontre, pourtant, et ceux-là manquent rarement de confirmer par leur dire ce que nous avancions tout-à-l’heure.

Nous n’ajouterons plus qu’un mot en fermant ce paragraphe :

Un des effets du hachisch, qui généralement rencontre le plus d’incrédules, c’est précisément celui sur lequel nous venons d’insister avec quelques détails ; c’est cet état de béatitude, de bonheur imaginaire, dont la réalité la plus séduisante n’est pas même l’ombre.

Et cependant nous le voyons se reproduire sous l’influence des causes si nombreuses et si variées qui amènent le désordre de nos facultés morales ! Sous ce rapport, fou et mangeur de hachisch, ou hachache, comme disent les Arabes, ont une parfaite ressemblance.

P.-S.

Texte établi par Abréactions Associations d’après l’ouvrage de Jacques-Joseph MOREAU (de Tours), Du Hachisch et de l’aliénation mentale, Éditions Fortin, Masson et Cie, Paris, 1845.

Notes

[1] Ceux qui ont l’habitude du hachisch savent très bien les éviter. Cela est facile en graduant la dose, et l’on peut toujours s’initier aux merveilles de la fantasia sans acheter ce plaisir au prix d’aucun trouble nerveux désagréable.

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 Los textos de J.J, Moreau de Tours, siguen siendo un clásico de la psiquiatría, y no envejecen

 ¡¡esto no está en el DSM-IV¡¡ 


Bibliografía utilizada. 

-Historia general de las drogas. Antonio Escohotado. Editorial Espasa. 1999. http://www.escohotado.org/

-PARAISOS ARTIFICIALES. de BAUDELAIRE, CHARLES. EDITORIAL LOSADA, S.A. 2006

-OPIUM, de COCTEAU, JEAN PLANETA 2009

-CONFESIONES DE UN INGLES COMEDOR DE OPIO. de QUINCEY, THOMAS DE ALIANZA E. 2002.

-LAS PUERTAS DE LA PERCEPCION. de HUXLEY. ALDOUS. EDHASA 2006

 -EL INFINITO TURBULENTO de MICHAUX, HENRI  MCA, 2000

 -LAS GRANDES PRUEBAS DEL ESPIRITU de MICHAUX, HENRI TUSQUETS EDITORES, 1985

- ACERCAMIENTOS: DROGAS Y EBRIEDADde JÜNGER, ERNST. TUSQUETS EDITORES

- VISITA A GODENHOLM  de JUNGER, ERNST ALIANZA EDITORIAL, 1987

- Jean Lorrain  Cuentos de un bebedor de éter. Alfaguara (1978)



J.L. Día Sahún. Chusé . Psicopatología y fenomnología para MIR psiquiatría. 

jldiasahun@gmail.com